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Enquêtes et sondages en Afrique subsaharienne : techniques, contraintes et solutions

N’importe quelle organisation – publique ou privée – dans n’importe quelle partie du monde, a tout à gagner à bien connaitre sa cible.  Comprendre son public, c’est adapter son discours, délivrer des messages pertinents, que ceux-ci soient à vocation commerciale, politique, où simplement de communication.

Ainsi, recueillir des données, des opinions, des informations est un enjeu majeur, et la réalisation d’enquêtes ou de sondages est souvent l’outil optimal pour ce faire.

Mais pour cela il faut pouvoir tabler sur des recueils d’informations représentatives et fiables !

Or, si, pendant des décennies, les enquêtes et sondages étaient effectués essentiellement dans la rue (« in situ ») ou via les téléphones fixes , la révolution digitale a aussi envahi ce champ.

Les études via les mobiles ou en ligne ont gagné du terrain. Mais si les taux d’équipements en Afrique Subsaharienne sont exponentiels, la fracture numérique reste encore une réalité.

Dans ce contexte, comment adapter les nouvelles techniques de recueil d’informations; quelles contraintes, et quelles solutions … ?  Panorama.

Les techniques de recueils d’information de type CATI, CAWI ou CAPI

Les nouvelles technologies ont apporté un nouveau souffle à l’univers feutré et ronronnant des enquêtes et sondages. Les instituts font désormais le pari d’être toujours plus réactifs et performants dans le recueil de données. C’est ce que permettent les techniques de collecte assistées par ordinateur, CATI, CAWI et CAPI, qui, de plus permettent de fiabiliser les données.

Voyons dans le détail ces trois techniques :

CATI « Computer Assisted Telephone Interview ».

Une enquête CATI est donc une enquête menée par téléphone au cours de laquelle l’enquêteur utilise un logiciel qui lui permet de dérouler son questionnaire (script) et de saisir les réponses.

Le logiciel peut également prendre en charge la numérotation téléphonique (mode prédictif, progressif, i-progressif …).

Ce système présente les avantages suivants :

  • La centralisation des appels avec un contrôle permanent, à 100 %,
  • La suppression des risques d’erreurs liés à la transmission du questionnaire
  • Un contrôle automatique de cohérence des questionnaires,
  • La gestion de quotas et fichiers complexes,
  • La suppression de l’étape de saisie, ce qui représente un gain de temps et une diminution des risques d’erreurs,
  • La gestion automatique des rappels, répondeurs, raccrochages
  • La rotation automatique des différentes modalités

CAWI « Computer Assisted Web Interview ».

Il s’agit de tous les modes d’enquêtes qui sont réalisées sur Internet et dont les traitements, comme l’administration sont entièrement automatisés. Les questionnaires liés aux enquêtes sont ainsi envoyés par email aux répondants. Ce système présente les avantages suivants :

  • La possibilité de travailler, à moindre coût, sur des échantillons conséquents,
  • L’envoi d’emails personnalisables,
  • Un contrôle de cohérence automatique des réponses,
  • La gestion de quotas et fichiers complexes,
  • Des feed backs terrain quotidiens,
  • La possibilité d’affichage d’images, films, divers visuels ou spots audios.
  • La possibilité de géréer des questionnaires très longs et complexes

CAPI « Computer Assisted Personal Interviewing ».

C’est un mode d’administration de questionnaires en face à face, dans le cadre duquel l’enquêteur utilise un ordinateur (tablette) pour procéder à son interview.

Une étude CAPI permet d’opérer une saisie immédiate et directe des réponses. Les redirections liées aux réponses obtenues, quant à elles, sont effectuées automatiquement.

Les interviews sont réalisées à l’aide d’un PC ou une tablette, sur lesquels le responsable terrain aura transmis, au préalable, toutes les informations nécessaires au bon déroulement de l’enquête, comme par exemple les quotas, le masque de l’enquête, les points GPS etc.

Tout comme lorsqu’il utilise le système CATI, l’enquêteur lit les questions à l’écran et saisit les réponses au clavier. Il diffuse aussi les questions audios, et enregistre les réponses aux questions ouvertes.

A l’écran, il peut afficher des photos digitalisées et même des séquences vidéo, dans le cadre de post-tests, par exemple.

Ce système présente les avantages suivants :

  • Un contrôle automatique de cohérence des réponses,
  • La gestion de quotas et fichiers complexes,
  • Un reporting d’informations quotidien, sur le déroulement du terrain
  • La transmission des données à distance par les enquêteurs, qui représente un gain de temps et de sécurité par rapport aux envois postaux,
  • La possibilité d’affichages d’images, de vidéos et de visuels,
  • La suppression de la saisie ; ce qui représente un gain de temps et une diminution des risques d’erreurs.

Ces différentes techniques de collectes assistées par ordinateur vont dans le sens des attentes clients, qui, selon plusieurs bureaux d’études, privilégient le critère de la rapidité devant n’importe quel autre : « Aujourd’hui, les services études marketing veulent 80 % de réponses immédiates plutôt que 100 % dans trois semaines », déclare -t-ils !

Et les attentes dans la partie subsaharienne de l’Afrique ne sont pas différentes, qu’elles émanent d’industriels cherchant à cerner les attentes des consommateurs, de services clients souhaitant mesurer la satisfaction, ou encore de donneurs d’ordres en termes de sondages d’opinions (politiques ou autres…).

Mais alors quel est l’impact du retard digital ? S’il va inévitablement tendre à s’estomper au fil de la croissance des équipements numériques, il crée encore à l’heure actuelle de vrais problèmes de représentativité

L’état du marché du numérique en Afrique Subsaharienne et les conséquences sur le marché des enquêtes et sondages

Le rapport 2020 de la GSM Association nous apprend que « 800 millions de personnes restent sans connexion et sont exclues de l’économie numérique » en Afrique Subsaharienne.

Et si à la fin de l’année 2019, 272 millions de personnes étaient connectées à l’internet mobile (soit 34 millions de plus qu’en 2018), le taux d’équipement en smartphones (64 % à la fin 2019) reste très inférieur à la moyenne mondiale. Les smartphones – en particulier les appareils compatibles à la 4G – sont excessivement chers eu égard aux niveaux de revenus moyens.

Cela reste un obstacle à l’adoption de l’internet mobile, tout comme « les compétences numériques limitées des populations rurales et moins alphabétisées » (dixit le rapport 2020 de la GSM Associations).

Dans ce contexte, des solutions de financements pour les utilisateurs aux faibles revenus voient le jour. Des appareils dont les couts sont inférieurs à 100 dollars sont apparus tels que Tecno et Infinix (marques chinoises).

Des programmes de financements de smartphones commencent aussi à gagner du terrain. En juillet 2020, Safaricom s’est ainsi associé à Google et a lancé son plan de paiement ‘Lipa Mdogo Mdogo’. Cette formule de paiement permet aux clients disposant d’un appareil 2G et d’un salaire journalier de passer à des appareils 4G moyennant des versements journaliers assez modestes et un dépôt de garantie de 10 dollars.

Enfin, le modèle de téléphonie mobile pay-as-you-go utilisé pour fournir des équipements photovoltaïques domestiques abordables rencontre un franc succès.

Toutes ces évolutions vont permettre de rendre de plus en plus exploitables les solutions digitales de recueil d’information. Car à l’heure actuelle, la conduite d’enquêtes de ce type se heurtent à des problèmes de représentativité. Les populations les plus précaires, âgées, rurales ou nomades ne disposant pas des équipements requis ; sont en effet, de ce fait, sous représentées.

Le « multimode », une solution efficiente ?

Le multimode (multicanal)  est un système hybride d’enquêtes qui permet de traiter des études réalisées via internet, intranet ou en réseau local, en les mixant avec des interviews en face à face, par téléphone ou encore des questionnaires papier.

Les technologies d’acquisition types CATI, CAPI, ou CAWI, servent alors à consolider les données collectées, sous un format identique en les traitant instantanément avec le module d’analyse adéquat.

Un institut est ainsi en mesure de proposer par exemple, une enquête internationale, en optant pour le mode de recueil le plus en phase avec la culture ou le taux d’équipement numérique du pays… Un questionnaire papier ici, le téléphone fixe ou mobile là…. Les codes des différentes réponses sont ensuite agrégés et les biais inhérents à chaque mode de recueil sont corrigés. Une fois les résultats traités et analysés, ils sont transmis au commanditaire de l’étude via le Web.

Le multimode (multicanal) est donc indubitablement une réponse au besoin d’études de qualité en Afrique Subsaharienne, et ce, en dépit de son retard digital actuel. 

I. RIDENE CEO DATAS